St Paul-Père spirituel (Eglise des thessaloniciens)


Frère Jean-Baudouin

 

« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment ne les atteindra pas. Aux yeux des insensés, ils paraissent être morts, et leur sortie de ce monde semble un malheur, et leur départ du milieu de nous un anéantissement; mais ils sont dans la paix.» [1] (Sg 3, 1-3). Cette paix sera la part de ceux qui suivent l'Agneau partout où il va (Rv 14,4). Jésus nous dit : "Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux" (Mt 5,11-12). Dans la première lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens nous lisons que Paul s’adresse à une communauté fort persécutée, et Paul s’en réjouit car ils persévèrent. Nous pouvons nous demander : comment Paul vit-il les relations avec cette communauté ? Lui-même persécuté de toutes parts, est-il spécialement lié aux Thessaloniciens qui, d’après ses dires,  partagent les mêmes persécutions que les chrétiens en Judée ? (cf.  1 Th 2,14).  Nous verrons dans une première partie qu’en effet, Saint Paul a un cœur débordant pour ces Thessaloniciens qui partagent les souffrances du Seigneur. Puis, nous montrerons que, même s’il est très proche des Thessaloniciens, Paul, en tant que fondateur de communautés, est proche de toutes les Eglises qu’il a fondées – indépendamment du fait qu’elles soient persécutées. Finalement, nous découvrirons la marque qui caractérise sa relation envers les Thessaloniciens et envers les autres communautés : Saint Paul est un vrai père, peut-être le plus héroïque de toute l’histoire de l’Eglise!

 

PAUL AIME PASSIONNEMENT L’EGLISE PERSECUTEE DES THESSALONICIENS

 

La communauté des Thessaloniciens 

 

Voyons comment Paul a connu ces Thessaloniciens pour qui il porte un si grand amour et quand il leur a écrit la première lettre. Tout commença quand durant  la nuit, Paul eut une vision: un Macédonien lui apparut, et lui fit cette prière: Passe en Macédoine, secours-nous! Après cette vision  Paul chercha aussitôt à se rendre en Macédoine, concluant que le Seigneur l'y avait appelé pour y  annoncer la bonne nouvelle ». (cf. Ac 16, 9-10). Nous sommes dans le deuxième voyage missionnaire de St Paul. Philippes fut la première ville en Macédoine où Paul et ses compagnons prêchèrent l’Evangile. De là ils arrivèrent à Thessalonique, où les Juifs avaient une synagogue... (Ac 17, 1)

 

« Thessalonique était la capitale de la province romaine de Macédoine (...). Saint Paul commença aussitôt à y prêcher l'Evangile aux Juifs et aux prosélytes. Pendant trois sabbats successifs, il expliqua les Écritures dans la synagogue (Ac 17,2) (…). Certains Juifs crurent et se joignirent à Paul et Silas. [Après cela, suite à des persécutions, Paul quitta la ville pour Bérée. (Ac 17,10)]. Il semblerait que Paul soit resté dans la ville durant un temps [considérable, et donc plus que trois sabbats], car selon la lecture du Codex Bezæ (Ve siècle) et des versions Vulgate et Copte (Ac 17, 4) il a converti un grand nombre non seulement de prosélytes - « ton te sébomenon » - mais de Grecs gentils - « kai Hellenon ». En premier lieu, il est peu probable qu'un grand nombre de ces derniers aient été conquis à la Foi au cours de trois sabbats seulement; aussi Paul y faisait du travail manuel nuit et jour afin de ne pas faire peser une lourde charge sur ses convertis (1 Th 2,9). Deuxièmement, ces convertis issus de l'idolâtrie (1 Th 1, 9) seraient à peine devenus, après un apostolat si bref, un "modèle pour tous ceux qui croient en Macédoine et en Achaïe" (1 Th 1, 7). Troisièmement, l’Église de Philippes avait envoyé des aumônes à deux reprises à Paul à Thessalonique (Ph 4,16). Tout cela  semble indiquer que son séjour a duré plus de trois semaines »[2].


Trois semaines ou plus, l’apostolat de St Paul à Thessalonique eut un grand succès. « Mais les Juifs, jaloux (…) provoquèrent des attroupements, et répandirent l'agitation dans la ville. Ils se portèrent à la maison de Jason, et ils cherchèrent Paul et Silas, pour les amener vers le peuple. Ne les ayant pas trouvés, ils traînèrent Jason et quelques frères devant les magistrats de la ville, en criant: Ces gens, qui ont bouleversé le monde, sont aussi venus ici, et Jason les a reçus. (…) ils émurent la foule et les magistrats qui ne laissèrent aller Jason et les autres qu'après avoir obtenu d'eux une caution. Aussitôt les frères firent partir de nuit Paul et Silas pour Bérée ». (Ac. 17, 5-10) A Bérée, la bonne nouvelle fut accueillie avec beaucoup plus d’enthousiasme
que dans la synagogue de Thessalonique. Quand les juifs Thessaloniciens surent que Paul prêchait à Bérée, « ils vinrent y agiter la foule. Alors les frères firent partir Paul du côté de la mer; Silas et Timothée restèrent à Bérée. Ceux qui accompagnaient Paul le conduisirent jusqu'à Athènes. Puis ils s'en retournèrent, chargés de transmettre à Silas et à Timothée l'ordre de le rejoindre au plus tôt ». (Ac 17,13-15)

 

Dans l’article de l’Encyclopédie Catholique sur I Thessaloniciens [3] nous lisons ceci : une fois que Silas et Timothée furent réunis avec Paul à Athènes, Paul renvoya Timothée aux Thessaloniciens  « pour les affermir et les exhorter au sujet de leur foi » (1 Th 3,2).  Ensuite « Paul partit d'Athènes, et se rendit à Corinthe. Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont (…) Il se lia avec eux; et, comme il avait le même métier, il demeura chez eux et y travailla: ils étaient fabricants de tentes. Paul discourait dans la synagogue chaque sabbat, et il persuadait des Juifs et des Grecs. Mais quand Silas et Timothée furent arrivés de la Macédoine, il se donna tout entier à la parole, attestant aux Juifs que Jésus était le Christ » (Ac 18,1-5). C’est Là, à Corinthe, que St Paul entendit par la bouche de Timothée les bonnes nouvelles concernant les Thessaloniciens et il leur écrit la première lettre aux Thessaloniciens. Nous sommes dans l’année 53 ou 54 d’après le schème traditionnel de la chronologie paulienne.

 

Paul aime cette communauté car elle partage les souffrances du Christ

 
Paul a aimé les Thessaloniciens parce qu’ils demeuraient « fermes dans le Seigneur » (1 Th, 3-8) malgré les persécutions qu’ils enduraient. "
Bien-aimés, ne soyez pas surpris, comme d'une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous, au contraire, de la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie et dans l'allégresse lorsque sa gloire apparaîtra. Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l'Esprit de gloire, l'Esprit de Dieu, repose sur vous". (1Pi 4,12-14) Ces paroles de St Pierre paraissent avoir été bien comprises par les Thessaloniciens :

 

Vous-mêmes, vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur, en recevant la parole au milieu de beaucoup de tribulations, avec la joie du Saint Esprit (1Th 1,6). St Jean Chrysostome commente ce passage :

 

« Quel éloge ! Les disciples, en un moment, sont devenus des docteurs. Non seulement ils ont écouté la prédication , mais encore ils ont atteint jusqu'au faite où était saint Paul [c.à.d. qu’ils sont devenus ses imitateurs]. (…) [Il ajoute :]"Vous êtes devenus les imitateurs du Seigneur". [Comment]? " En recevant la parole au milieu d'une grande tribulation, avec la joie du Saint-Esprit ". () Il en était de même des apôtres. " Ils se réjouissaient ", est-il dit "de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus-Christ". (Ac 5, 41) Ce qu'il y avait de merveilleux dans leur conduite, c'était principalement cette joie. Ce n'est pas déjà peu de chose que de souffrir l'affliction n'importe comment, mais la souffrir avec joie suppose des hommes élevés au-dessus de la nature humaine. » [4]

 

Car vous, frères, vous êtes devenus les imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Jésus Christ dans la Judée, parce que vous aussi, vous avez souffert de la part de vos propres compatriotes les mêmes maux qu'elles ont soufferts de la part des Juifs. (1Th 2,14)

 

Nous voyons dans Actes 17 que les Juifs, jaloux [du succès de la prédication de Paul dans l’Eglise de Thessalonique] prirent avec eux quelques méchants hommes de la populace, provoquèrent des attroupements, et répandirent l'agitation dans la ville.  Saint Paul faisait partie de ces juifs persécuteurs avant sa conversion. Il connaît bien cet esprit de jalousie qui ne veut pas que les païens soient sauvés (cf. 1 Th 2,16). Aux Thessaloniciens il donne un grand compliment en les comparant aux chrétiens de Judée qui mènent le bon combat pour la foi en Christ.

 

Quand Timothée revient de chez eux pour rapporter à Paul les nouvelles de leur progrès spirituel il se réjouit disant : « Timothée, récemment arrivé ici de chez vous, nous a donné de bonnes nouvelles de votre foi et de votre charité, et nous a dit que vous avez toujours de nous un bon souvenir, désirant nous voir comme nous désirons aussi vous voir. En conséquence, frères, au milieu de toutes nos calamités et de nos tribulations, nous avons été consolés à votre sujet, à cause de votre foi. Car maintenant nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le Seigneur ». (1Th 3, 6-8) Paul les aime car ils sont disposés « à subir des outrages pour le nom de Jésus » (Ac 5, 41) et qu’ils demeurent fermes dans les tribulations. Il sait, d’après sa propre expérience que c’est la marque du vrai chrétien.

 

PAUL EST PROCHE DE TOUTES SES EGLISES QU’IL A FONDEES


« Je suis assiégé chaque jour par l’anxiété pour toutes les Églises ». (2 Co 11,28) Même si Saint Paul aime fortement les Thessaloniciens on voit qu’il est soucieux pour toutes ses Eglises – indépendamment du fait qu’elles soient persécutées. Nous allons voir que Paul est rempli de sollicitude pour toutes ses communautés. Il veut leur progrès spirituel, il veut qu’elles sauvegardent l’unité et qu’elles se disposent à porter la Croix du Christ.

 

Il désire leur progrès spirituel

 

Sans vouloir être exhaustif, voici quelques exemples de conseils spirituels aux différentes communautés :

 

Aux Romains : Ayez du zèle, et non de la paresse. Soyez fervents d'esprit. Servez le Seigneur. Réjouissez-vous en espérance. Soyez patients dans l'affliction. Persévérez dans la prière. Pourvoyez aux besoins des saints. Exercez l'hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. (Rm 12,11-14)

 

Aux Corinthiens : soyez dans la joie, perfectionnez-vous, consolez-vous, ayez un même sentiment, vivez en paix; et le Dieu d'amour et de paix sera avec vous. (2 Co 13, 11).

 

Aux Colossiens il donne un conseil aux familles : « Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il convient dans le Seigneur. Maris, aimez vos femmes, et ne vous aigrissez pas contre elles. Enfants, obéissez en toutes choses à vos parents, car cela est agréable dans le Seigneur. Pères, n'irritez pas vos enfants, de peur qu'ils ne se découragent ». (Co 3,18-21)

 

Aux Philipiens il offre la clé pour toujours demeurer en paix : Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus Christ. (Ph  4,6-7)

 

Aux Galates il enseigne de ne jamais se lasser de « faire le bien; car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas ». (Ga 6,9)

  

Il veut qu’ils préservent l’unité

 

Un article de Catholic.com [5] montre combien Saint Paul attachait de l’importance à la sauvegarde de l’unité. Paul qualifie schisme et désunion comme crimes à être classés avec le meurtre et la débauche. Il déclare que les coupables de "dissensions" et de "sectes" n'obtiendront pas le royaume de Dieu (Gal 5, 20-21). En apprenant qu’il y avait des schismes parmi les  Corinthiens, il leur demanda: «Christ est-il divisé? Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés?  ”( 1 Co  1,13).  Dans son épître aux Éphésiens, il les exhorte à «veiller à garder l'unité de l'Esprit dans le lien de la paix». Il leur rappelle qu'il n'y a qu'un « seul corps et un seul esprit: un seul Seigneur, une foi, un baptême, un Dieu et un Père de tous » (Ep 4 , 3-6).

 

1 Corinthiens 12  nous présente la comparaison de la communauté chrétienne unie: Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il de Christ. Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps (…) Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L'oeil ne peut pas dire à la main: Je n'ai pas besoin de toi; ni la tête dire aux pieds: Je n'ai pas besoin de vous (…) Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. Vous êtes le corps de Christ ! (1 Co 12, 12-27)

 

Il veut qu’ils portent leur Croix

 

S’il est important de garder l’unité, il l’est autant de porter le fardeau du Christ. Jésus l’a prédit : Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde (Je 16, 33). Le Seigneur a préparé une croix pour chacun de nous. Saint Paul encourage les Corinthiens : aucune « tentation ne vous est survenue qui n'ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d'en sortir, afin que vous puissiez la supporter ». (1Co 10, 13) Notre croix n’est pas au-dessus de nos forces. 

 

Aux Romains il explique que tout enfant de Dieu doit passer par la croix de la souffrance : « L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d'être glorifiés avec lui ». (Rm 8, 16-17) Il se plaint des Corinthiens qui ne sont pas disposés à porter la croix de l’injustice : « un frère plaide contre un frère, et cela devant des infidèles! C'est déjà certes un défaut chez vous que d'avoir des procès les uns avec les autres. Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt quelque injustice? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt dépouiller? » (1Co 6, 6-7) Aux Phillipiens, cette autre église de Macédoine qu’il aimait tant, il déclare : il vous a été fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. C’est donc une grâce et un honneur de pouvoir souffrir pour le Nom, et Paul veut que ses Eglises le comprennent !

 

Ayant étudié la proximité de St Paul envers toutes ses communautés, voyons dès à présent ce qui le caractérise par-dessus tout.

 

SAINT PAUL EST UN VRAI PÈRE

 

Quelle que soit l’Eglise qu’il a fondée, persécutée ou non, pour chacune d’entre elles Paul s’écrie :  Mes enfants, pour qui j'éprouve (…) les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Christ soit formé en vous (Ga 4,19) Il est prêt à mourir pour ses enfants afin qu’ils soient saints. Il est plus qu’un guide spirituel, c’est un vrai père ! Il est possible que Paul, tout comme Jésus, qui avait une préférence pour Jean,  ait eu une préférence pour les Thessaloniciens,  mais il est certain que Paul, comme vrai père, aimait tous ses enfants, toutes ses communautés, d’un amour débordant.

 

Marques d’affection paternelle pour l’Eglise des Thessaloniciens


Nous avons déjà lu combien Paul aimait les Thessaloniciens. Nous verrons maintenant que cet amour était paternel : Nous avons été pleins de douceur au milieu de vous. De même qu'une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l'Évangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tant vous nous étiez devenus chers. (1Th 2, 7-8) St Jean Chrysostome commente :

 

« Saint Paul donc veut montrer, par cette comparaison, jusqu'où doit aller l'affection d'un pasteur pour son peuple. Non seulement nous n'avons rien désiré de vos biens, mais s'il avait fallu donner notre vie même pour vous, nous l'aurions fait de bon cœur. Est-ce là, dites-moi, l'effet d'un sentiment purement humain? (…) C'est avec cette ferveur qu'il faut aimer ».[7]

 

Vous savez aussi que nous avons été pour chacun de vous ce qu'un père est pour ses enfants, vous exhortant, vous consolant, vous conjurant de marcher d'une manière digne de Dieu qui vous appelle à son royaume et à sa gloire. (1Th 2, 11-12). Ecoutons encore St Jean Chrysostome :

 

Le maître ne doit reculer devant aucune fatigue pour le salut de ses disciples. Car si le bienheureux Jacob travaillait nuit et jour pour garder ses brebis, à bien plus forte raison, celui qui a charge d'âmes, doit-il tout faire ! Il travaillait de ses mains pour ne pas être à charge aux disciples. Il a refusé ce droit : « Ne savez-vous pas que ceux qui remplissent les fonctions sacrées sont nourris par le temple, que ceux qui servent à l'autel ont part à l'autel? De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l'Évangile de vivre de l'Évangile ». (1Co 9:13-14) Le Christ a établi que ceux qui annoncent l'Evangile, vivent de l'Evangile. Mais moi, dit-il, je n'ai pas voulu ; j'ai préféré la fatigue. Nous nous sommes conduits comme des pères.[8]

 

Marques d’affection paternelle dans les autres lettres de St Paul

 

Ce même amour paternel se discerne dans les autres épitres de St Paul : Ce n'est pas pour vous faire honte que j'écris ces choses; mais je vous avertis comme mes enfants bien-aimés. Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, puisque c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus Christ par l'Évangile. Je vous en conjure donc, soyez mes imitateurs. (1Co 4,14-16) Saint Paul est un Père, il peut imposer l’autorité à ses enfants, même de l’imiter, car lui, il imite le Christ. Cette autorité lui est donné de par Dieu : Paul, apôtre de Jésus Christ, par ordre de Dieu notre Sauveur et de Jésus Christ (1 Ti 1,1). Le vrai apôtre est donc vrai père.  Nous voyons que saint Jean et saint Pierre s’adressent à leur disciples comme enfants. Saint Jean: Je n'ai pas de plus grande joie que d'apprendre que mes enfants marchent dans la vérité. (3 Jn 1,4) Saint Pierre parle de « Marc, son fils » (1 Pie 5, 13).

 

Saint Paul fait la même chose : «Tite, mon enfant légitime en notre commune foi: que la grâce et la paix te soient données de la part de Dieu le Père et de Jésus Christ notre Sauveur! » (Tit 1,4). A Onésime : « Je te prie pour mon enfant, que j'ai engendré étant dans les chaînes, Onésime » (Phm 1,10-12) ; Timothée, son enfant le plus cher : » A Timothée mon enfant légitime en la foi » (1 Ti 1,2). Saint Paul est donc vrai père, mais il y a plus.

 

St Paul est un père spirituel d’après les normes monastiques

 

Saint Paul est un père spirituel (ce qu’on appelle starets en Russie ou Geron en Grèce). Examinons un article de l’évêque orthodoxe Kallistos Ware [9] qui explique les qualifications du père spirituel. On verra que St Paul répond à toutes les exigences. Sans vouloir être exhaustif, voici quelques fragments de l’article :

 

«Même si le confesseur doit toujours être un prêtre, le starets peut être un simple moine, (…) une religieuse, un laïque ou une laïque. Le ministère du starets est plus profond. Le père spirituel (…) est essentiellement une figure «charismatique» et prophétique, sa tâche lui est accréditée par l’action directe du Saint-Esprit. Il est ordonné non pas par la main de l'homme, mais par la main de Dieu ”.

 

On voit dans les lettres de St Paul que lui aussi, n’a pas été institué par la hiérarchie humaine mais par Dieu. P.ex : Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus Christ et Dieu le Père. (Gal 1,1)

 

«Trois dons en particulier distinguent le père spirituel. Le premier est la perspicacité et le discernement (diakrisis), la capacité de percevoir intuitivement les secrets du cœur d’un autre, de comprendre les profondeurs cachées dont l’autre n’a pas conscience ».

 

Le discernement est un don de Dieu. Paul le possédait. Il l’explique aux Corinthiens : L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. L'homme spirituel, au contraire, juge de tout (1Co 2, 14-15) à fortiori donc des secrets des cœurs.  Nous voyons un exemple de son don de discernement dans l’affaire d’impudicité où un Corinthien avait des relations avec la femme de son père. Par rapport à cet homme il déclare : Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu'un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. (1Co 5, 4-5) :

 

« L’individu en question, étant baptisé et membre de la communauté chrétienne à laquelle il paraît vouloir s’accrocher, risque bien aux yeux de Paul de souffrir lui-même d’être impuissant dans sa chair une fois loin de la communauté (dans le monde où règne Satan) : une sorte de tourment salutaire… » [10]

 

Revenons à notre article:

 

«Le deuxième don du père spirituel est la capacité d’aimer les autres et de faire siennes les souffrances des autres. Du Abba Poemen, l’un des plus grands starets d’Egypte, il est écrit brièvement et simplement: «Il possédait l’amour et beaucoup sont venus le voir». Aimer les autres implique de souffrir avec et pour eux; tel est le sens littéral de la compassion. « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ » (Ga 6,2) [dit St Paul]. Le père spirituel est «celui qui, par excellence, porte le fardeau des autres.

 

Un troisième don du père spirituel est le pouvoir de transformer l'environnement humain, le matériel et le non-matériel. Le don de guérir, possédé par tant de starets, est un aspect de ce pouvoir: plus généralement, les starets aident ses disciples à percevoir le monde comme Dieu l'a créé et tel que Dieu le désire une fois de plus. (…) Qu'est-ce qu'un cœur miséricordieux? S'enquiert saint Isaac le Syrien. «C’est un cœur qui brûle d’amour pour « toute la création - pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toute créature. Quand un homme avec un tel cœur pense aux créatures ou les regarde, ses yeux se remplissent de larmes. Une compassion écrasante fait grandir son cœur petit et faible, et il ne peut supporter d'entendre ou de voir la moindre souffrance, même la plus infime douleur, infligée à une créature. Par conséquent, il ne cesse jamais de prier avec larmes même pour les animaux irrationnels, pour les ennemis de la vérité et pour ceux qui lui font du mal, demandant qu’ils soient gardés et reçoivent la miséricorde de Dieu. Et pour les reptiles il prie aussi avec une grande compassion, qui s'élève sans cesse dans son cœur jusqu'à ce qu'il brille à nouveau et soit glorieux comme Dieu.

 

Saint Paul aussi savait que la création entière attend qu’elle soit perçue sous sa vraie lumière : la création attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise, - avec l'espérance qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. (Rm 8,19-21)

 

D’après ces quelques caractéristiques, bien qu’il y en ait d’autres, on peut discerner que Paul était un vrai père spirituel.

 

Conclusion

 

Nous avons vu comment Saint Paul aime passionnément l’Eglise des Thessaloniciens. Il est fier d’eux, car malgré les persécutions subies, la parole du Seigneur a retenti de chez eux dans la Macédoine et dans l'Achaïe, leur foi en Dieu s'est fait connaître en tout lieu (cf. 1 Th 1,8). Ensuite, en étudiant ses autres lettres, nous avons pu conclure que St Paul aime d’un amour débordant toutes ses églises, persécutées ou non. Finalement, nous avons discerné la vraie grandeur de Saint Paul : il est père, prêt à donner mille vies pour la vie spirituelle de ses enfants. C’est là, certainement le message-clé de tout l’Evangile. Saint Jean le dit bien :

 

 A ceci nous avons connu l'amour, il a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères. (1Jn 3,16)

 


[1] Bible de Jérusalem. https://bible.catholique.org/, consulté le 9 avril 2019.

[2] Catholic Encyclopedia, Epistles to the Thessalonians. http://www.newadvent.org/cathen/14629d.htm, consulté le 9 avril 2019.

[3] Catholic Encyclopedia, Epistles to the Thessalonians. http://www.newadvent.org/cathen/14629d.htm, consulté le 9 avril 2019.

[4] Jésus Marie, Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur la 1ère lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens. http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_sur_la_1ere_lettre_aux_thessaloniciens.html, consulté le 9 avril 2019.

[5] Catholic Answers, Unity: Mark of the Church. https://www.catholic.com/encyclopedia/unity, consulté le 9 avril 2019.

[6] Thomas à Kempis, Imitation de Jésus Christ, Livre I, chapitre 13. http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/thomasakempis/De%20imitatione%20Christi%20-%20fran%E7ais.pdf, consulté le 9 avril 2019.

[7] Jésus Marie, Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur la 1ère lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens. http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_sur_la_1ere_lettre_aux_thessaloniciens.html, consulté le 9 avril 2019.

[8] Jésus Marie, Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur la 1ère lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens. http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_sur_la_1ere_lettre_aux_thessaloniciens.html, consulté le 9 avril 2019.

 [9] Bishop Kallistos Ware, The Spiritual Father in Orthodox Christianity. http://orthodoxinfo.com/praxis/spiritualfather.aspx, consulté le 9 avril 2019

[10] Fr Jean-Michel Poffet, op, Domuni, Initiation à Saint Paul, Chapitre 3 Mémento de sagesse et théorique et pratique : la vie sociale. https://moodle.domuni.eu/pluginfile.php/43574/mod_resource/content/2/BB001_Paul%20aux%20Corinthiens_CHAPITRE%20III.pdf , consulté le 9 avril 2019.