Divinité de Jésus dans les Evangiles synoptiques ?


 

L’autoportrait caractéristique dans S. Jean est Jésus, Fils de Dieu. Dans cet Évangile Jésus est clairement divin.  Il est la Parole de Dieu, la Parole [qui] était Dieu (Jn. 1, 1). Aux juifs Jésus déclare : « avant qu'Abraham fût, Je suis », s’identifiant avec le nom de Dieu révélé à Moise en Exode 3. Les juifs le comprennent bien et ramassent des pierres pour le lapider (Jn. 8, 58-59). Plus tard Il dit : « Moi et le Père nous sommes un » (10,30). Là aussi les juifs veulent le lapider. Ensuite Il révèle à Philippe : « Celui qui m'a vu a vu le Père » (14,9). Enfin, dans la grande prière sacerdotale Il dit : « Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût » (17,5).

 

Si S. Jean appuie tellement le caractère divin du Christ (par rapport aux synoptiques), c’est parce qu’il écrit contre l’hérésie des Ébionites qui reniaient la divinité de Jésus. C’étaient des Judéo-chrétiens, affirmant que Jésus était le Messie mais niant sa divinité. 

 

Beaucoup d'auteurs aujourd’hui, de tendance "libérale" accordent que la divinité du Christ est réelle dans S. Jean mais qu’elle n’est pas présente dans les synoptiques (qui ont été écrits plus tôt). Ainsi disent-ils : Si Jésus s’était révélé comme Dieu, sûrement les Évangiles de première date l’indiqueraient. Mais concluent-ils, ceux-là n’en parlent pas. Ainsi, pour eux la divinité du Christ est une fabrication ultérieure. Si cela serai vrai, le plus important dogme de notre foi – la Trinité – s’écroulerait devant nos yeux.

 

Dans ce qui suit nous voulons montrer que Jésus a bel et bien démontré sa divinité dans les synoptiques d’une façon implicite dans aux moins 7 cas : (1) Jésus jugera l’humanité, (2) la destinée éternelle des humains dépend de leur réponse à Jésus, (3) Jésus identifie des actions commises envers Lui comme étant commises envers Dieu, (4) la Transfiguration démontre sa divinité, (5) Il pardonne les péchés, (6) Il enseigne de sa propre autorité, (7) Il est exécuté pour blasphème, s’étant identifié comme Dieu [1].

 

Jésus jugera l’humanité

 

Nous serons jugés par Jésus Christ sur nos œuvres ; celles-ci sont inspirées par nos positions intérieures. St Paul le dit : Dieu jugera par Jésus Christ les actions secrètes des hommes (Rm 2, 16). Connaissant les pensées des hommes (Mt. 9,4 ; cf. 12,25, 22, 18) Jésus prédit qu’il jugera l’humanité le dernier jour (7, 22-23) : « Le Fils de l’Homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité » (13,41) , « car il doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges; et alors il rendra à chacun selon ses œuvres » (16,27). Qui peut juger l’humanité sauf Dieu ? Jésus démontre ici sa divinité.

 

La destinée éternelle de l’homme dépend de sa réponse à Jésus

 

« La vie éternelle appartient à ceux qui connaissent Jésus et le confessent, à ceux qui sont connus et confessés par Lui (Mt. 7,21-27; 10,32-33). Ses disciples doivent l’aimer plus que leurs père ou leurs mère, fils ou fille, plus que la vie elle-même » (Mt. 10, 37). [2]

 

Il va plus loin encore : « celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera ». (Mt. 10,38-39) Suivre Jésus est la condition pour arriver au ciel. Qui peut établir ces conditions sauf Dieu ? Ici aussi Jésus démontre sa divinité.

 

Jésus identifie des actions faites envers Lui comme faites envers le Père

 

Ceci est le plus clair en Jean quand Il dit : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père » (Jn. 8, 19), « celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé » (Jn 12,45 ; cf. 12,44, 15,23, etc).  Mais en S. Matthieu Jésus dit aussi: « celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé » (Mt. 10, 40). Et en S. Marc : « Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit ; et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m'a envoyé » (Mc. 9,37).[3]Le Christ démontre ici implicitement sa divinité par son unité intime avec le Père.

 

La transfiguration de Jésus démontre sa divinité

 

Moïse et Elie ont expérimenté des théophanies sur le Mt. Sinaï dans l’Ancien Testament (Ex 33, 18-23 ; 1 R 19, 9-13), mais ni l’un, ni l’autre ont pu contempler la face du Seigneur. Sur la montagne de la Transfiguration Moïse et Elie peuvent enfin la considérer. Jésus est « l'image du Dieu invisible » (Col 1,15).  De même que Dieu descendait sur le Mt Sinaï dans une nuée (Ex. 19,16), une nuée couvre Jésus sur la Montagne. La nuée divine est toujours associée avec une théophanie dans la Bible (cf. 1R 8) [4].

 

Dans l’icône byzantine de la Transfiguration on voit Moïse et Elie debout de part et d’autre du Christ, rayonnant d'une éclatante blancheur, tandis que les Apôtres-témoins se prosternent devant lui. Dans la théologie orientale cette rayonnante lumière symbolise « l’expression de la radiance divine, la gloire incréée et la manifestation des deux natures du Christ : divine et humaine »[5]. À travers ces différents éléments on voit que l’épisode de la Transfiguration – commun aux trois synoptiques – démontre la divinité du Christ.

 

Jésus pardonne des péchés

 

Revenons à la guérison du paralytique (Mc. 2, 1-12). Lorsque Jésus pardonne ses péchés, aussitôt les scribes l’accusent de blasphème : « Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu» (Mt. 2, 7) ? En effet, pour les juifs, la rémission des péchés était réservée à Dieu seul (cf. Is. 43, 25 ; Ex. 34, 7).

 

La pensée juive concevait que seule la partie offensée pouvait pardonner une offense. Pourquoi Jésus pardonne-t-Il un homme qu’il n’a jamais rencontré ? Parce que, d’une certaine manière, le paralytique avait péché contre Lui. Mais seul Dieu est offensé par tout péché. Ainsi Jésus proclame qu’Il est Dieu. [6]

 

Jésus enseigne la Vérité par sa propre autorité

 

Examinons le sermon sur la Montagne (Mt 5). À plusieurs reprises Jésus dit: Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciensMais moi je vous dis que. Jésus change la loi ! Qui a l’autorité de changer la loi de Dieu sauf Dieu ? En Matthieu 12 Il déclare : « le Fils de l'homme est maître du sabbat » (Mt. 12,8).  Qui est maître du sabbat sinon Celui qui l’a instauré (cf. Gn. 2,2) ?

 

Jésus aussi enseigne souvent par sa propre autorité utilisant l’expression : « Amen, amen je vous le dis » (plus de 70 fois dans les 4 Évangiles). Ainsi, sans recourir à une autre autorité comme les anciens prophètes, Il utilise ce « Amen … », impliquant qu’il n’y a pas d’autorité au-dessus de Lui (Mc 3,28, …).[7] Cette façon d’enseigner démontre que Jésus est divin.

 

Jésus est exécuté pour blasphème : un homme qui se fait égal à Dieu

 

Jésus fut condamné à mort pour blasphème : « Le souverain sacrificateur l'interrogea de nouveau, et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? Jésus répondit : Je le suis. Et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit : Qu'avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? Tous le condamnèrent comme méritant la mort » (Mc. 14, 61-64).

 

Caïphe pose deux questions à Jésus. Une concernant sa messianité, une autre concernant sa divinité. Aux deux, Jésus répond par la citation de l’Ancien Testament qui indique chacun de ces deux titres.  Il dit : « Je le suis, et vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la puissance, et venant sur les nuées des cieux » (Mc. 14, 62). Par rapport à la première assertion, le Psalmiste affirme : « Parole de l'Éternel à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. » (Ps. 110,1). Ne s’assieds sur le Trône que l’héritier du Trône, de même nature que le roi.

 

Pour la deuxième assertion, nous lisons en Daniel : « Voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu'un de semblable à un fils de l'homme ; il s'avança vers l'ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. » (Da. 7, 13-14). Le fils de l’homme qui « s’approche » reçoit domination, gloire et règne ainsi qu’une domination éternelle qui ne passera point. Seul Dieu règne éternellement.

 

Caïphe qui connaît les Écritures, comprend les implications divines des assertions de Jésus : « Il déchire ses vêtements, disant: Il a blasphémé »  (Mt. 26, 65) ! Nous pouvons conclure que Jésus apparait comme Dieu dans les Évangiles synoptiques, même si c’est d’une moins explicite que dans l'Evangile de St Jean.

 

 


[1] Nous nous basons dans les points qui suivent entre autres sur un article écrit par Daniel Doriani, professeur du NT à Covenant Theological Seminar, St Louis, Etats-Unis et le livre The Case for Jesus de Brand Pitre, professeur en Ecriture Sainte au Séminaire de Notre Dame (Nouvelle Orléans, Etats-Unis).

[2] Daniel Doriani, The deity of Christ in the synoptic Gospels. https://www.etsjets.org/files/JETS-PDFs/37/37-3/JETS_37-3_333-350_Doriani.pdf, consulté le 14 août 2019.

[3] ibidem

[4] PITRE Brant. The Case for Jesus. New York, Image, 2016, p. 131-134

[5] Mystagogy resource center, An interpretation of the icon of the Transfiguration of the Lord. https://www.johnsanidopoulos.com/2012/08/an-interpretation-of-icon-of.html, consulté le 14 août 2019

[6] Daniel Doriani, The deity of Christ in the synoptic Gospels. https://www.etsjets.org/files/JETS-PDFs/37/37-3/JETS_37-3_333-350_Doriani.pdf, consulté le 8 août 2019.

[7] ibidem