Armure de Dieu - se défendre contre le diable


Mère Agnès-Mariam de la Croix

 

Nos ennemis spirituels sont plus forts que nous

 

St Paul, dans l’Epître aux Ephésiens, parle du combat spirituel. Il dit que notre lutte n’est pas « contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes » (Ep. 6,12). Nos ennemis ne sont pas visibles, ils ne sont pas à notre portée, je dirais « de norte tir ». Ils ne sont pas égaux à nous. Ce sont des ennemis supérieurs.

 

Souvent nous oublions qui est le vrai ennemi. La méconnaissance de l’ennemi – dans les lois de guerre – est facteur de défaite. Lorsqu’on connaît l’ennemi, on peut prendre les dispositions nécessaires pour affronter le combat. Il est important de comprendre qui sont ces ennemis. Dans un autre endroit St Paul nomme l’ennemi  le prince de la puissance de l'air » (cf. Ep 2, 2). D’après St Paul l’air est un espace entre le ciel et la terre, un lieu de non-réalité, un espace non-habité, ni par Dieu ni par l’homme (quand je dis « Dieu » je veux dire Dieu, les anges et les saints). La terre, c’est le lieu de l’homme. L’air, ce n’est ni le ciel, ni la terre. Le lieu du démon est dans l’illusion, un espace virtuel. Aujourd’hui, le démon a une puissance renouvelée, parce que nous vivons dans le monde du virtuel. Notre civilisation a inventé, d’une manière presque palpable, visible et audible, le virtuel. Parce que nous sommes dans la civilisation du virtuel, l’homme contemporain est très apte à être tenté par le diable. 

 

Comment contrer les attaques du diable ? « Revêtez l’armure de Dieu » (Ep. 6, 13). Il est impossible de vaincre le démon par des sentiments humains, une intention humaine aussi bonne qu’elle soit, une intelligence humaine aussi acérée qu’elle soit. Il nous faut l’armure de Dieu. Celui qui croit être à même de faire dévier les attaques de l’ennemi en restant tranquillement chez lui avec ses sentiments humains et ses pensées humaines sera le premier à tomber dans ses pièges.

 

C’est une armure qui vient de Dieu et pas de l’homme. « Endossez l’armure de Dieu afin de pouvoir résister dans les jours mauvais et tenir bon » (Ep. 6, 13). Les jours mauvais sont peut-être les meilleurs jours de notre vie, mais là où le démon nous attend pour nous tendre un piège. Quand on joue aux échecs il suffit d’une petite inadvertance pour que toutes les défensives tombent. Le jour mauvais est le jour où le Malin pourra intervenir parce qu’on n’est pas attentif. Quand on l’est, il ne peut intervenir. Puisque nous ne pouvons pas être toujours attentifs il va intervenir un de ces jours.

 

Endossez l’armure de Dieu afin de pouvoir résister dans les jours mauvais et tenir bon. Il ne dit pas « de vaincre » parce que tant que nous sommes sur cette terre, la victoire ne nous est pas acquise personnellement. « Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber » (1 Co 10, 12).  C’est un point très important pour notre humilité. Quand on est dans le combat, ne jamais dire : « Alléluia, c’est fini, j’ai remporté la victoire ». L’Agneau de Dieu a remporté la victoire mais nous, nous n’avons pas encore remporté la victoire en nous. St Paul dit : « résistez et tenez bon »  (Ep. 6, 13) ; la persévérance. On ne persévère pas parce que tout va bien. On persévère parce que tout va mal. Souvent, quand ça va mal on lâche prise, on change. Non ! C’est le moment de tenir bon. Lorsque l’âme se laisse aller par des idées humaines elle devient faible, son armure se crible, elle devient vulnérable. Alors le Malin a une plus grande force pour attaquer. L’armure de Dieu¸ non pas l’armure des bonnes intentions, l’armure de l’assurance de soi (« Jamais je ne tomberai »), non ! Il dit donc à plusieurs reprises qu’il faut résister, tenir bon (cf. Ep. 6, 12-13).

 

La ceinture de vérité


« Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture »
(Ep. 6, 14). Dieu est celui qui sonde les reins et les cœurs [1] (cf. Jr. 17, 10). Dans l’anatomie biblique il y a une symbolique du corps: les reins sont le lieu des pensées, le cœur le lieu des sentiments. « Les reins ceinturés de vérité » : la personne ceinturé, dans la symbolique biblique, est la personne qui est préparée, disposée, chaste. Quand on a les reins ceinturés on est debout, on ne dort plus, réveillé, prêt pour le départ. Les Hébreux ont mangé l’agneau pascal les reins ceints et le bâton à la main (cf. Ex. 12, 11). Peut-on être endormi au combat? Quand il y aura une attaque on sera trop tard pour répondre. Le Seigneur dit : « Veillez et priez car vous ne savez pas l’heure de la tentation » (cf. Mc. 14,38).

 

Il dit : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie » (Jn. 14, 6).  Il n’a pas dit :  « La vérité est qu’un plus un est égal à deux », ou  « La vérité c’est le christianisme ». Il n’a pas dit « La vérité, c’est le Carmel », ou encore « la vérité est la communauté de Bethléem, les Bénédictins » ... Il a dit : « Je suis la vérité ». Il dit encore : la vérité, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ (cf. Jn. 17, 3). Il aurait pu dire :  La vérité c’est toi et ton envoyé Jésus Christ », mais Il dit : « La vérité c’est qu’ils te connaissent ». Ce « connaître », en hébreu עדי, est le verbe qu’on utilise dans la Bible lorsque l’homme s’unit à son épouse : « Il la connut » (cf. Gn. 4,1 ; Gn. 4,17).                   « Connaître » veut dire « s’unir » ; cette connaissance est une expérience vivante.

 

Il n’a pas dit :  Qu’ils connaissent des vérités sur Moi, qu’ils connaissent le Credo. Bien-sûr que le crédo est la vérité, mais si je ne vis pas ce crédo, si je ne suis pas uni à son contenu, cela ne me sert à rien : je pourrais tout autant être un carapace de caoutchouc dans l’océan, la moindre goutte ne me pénétrera vu que je suis imperméable. La vérité, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu. Il s’agit de la connaissance naturelle ;  St Paul en parle. Il dit que Dieu a ainsi fait le monde que tout homme, s’il a un cœur bien disposé, peut Le connaître (cf. Rm. 1,19) ; Dieu parle au cœur de tout homme et interpelle les consciences. Que veut dire « et ton envoyé Jésus Christ » ? Il s’agit tout d’abord de la révélation que Dieu a fait de Lui-même dans l’Ancien Testament à travers les Patriarches et les Prophètes , mais surtout de son Fils Jésus Christ qui s’est incarné, qui a vécu parmi nous, qui est mort et ressuscité, monté aux cieux, qui nous a envoyé l’Esprit Saint et qui est avec nous tous les jours.


Si on a les reins ceints de la vérité, c’est qu’on est premièrement à la recherche de la vérité, qu’on prend la vérité pour référence de nos pensées. Les reins sont, comme on a dit, le siège des pensées. Si on a les reins ceints de la vérité, cette Vérité devient la référence de nos pensées. Mes pensées alors ne sont plus une référence pour la vérité. Il y a une différence. Là mes propres pensées deviennent relatives.

 

La première victoire du démon est lorsqu’il fait de notre pensée un absolu, lorsque nos pensées deviennent une référence : « Moi, j’ai raison, je pense comme ça ; ça doit être ainsi, je suis convaincu, j’ai des très bonnes raisons pour penser ainsi ; on ne me comprend pas, c’est pourquoi on ne fait pas ce que je veux, … ». Ici notre ceinture de vérité tombe, et alors ça va dans tous les sens.

 

Très important d’avoir les reins ceinturés de la vérité. C’est la première barrière de Satan. Dans les grandes métanies du Carême nous nous prosternons et nous disons: « Seigneur, donne-moi de voir mes défauts ». Donne-moi de comprendre que je ne suis pas la référence. Pourquoi les Pères donnent-ils tellement d’importance à l’humilité ? Dès fois on se dit : « C’est trop, il m’énerve, toujours à me dire que j’ai tort ». Sans cela, le Malin viendra et me dira comme à Eve : « Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? » Eve répondit : « Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez ». Le serpent répondit : « Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue » (Gn. 3, 1-6). Voilà le contenu du péché.

 

Le péché dont nous parlons dans le combat spirituel n’est pas de courir après quelque chose de mauvais, mais de courir après des catégories transcendantales [hors contexte ou fausses]. Il faut faire un peu de philosophie pour l’expliquer. Les catégories fondamentales sont les références cognitives, les références de l’expérience et de la connaissance humaines qui peuvent donner au cœur l’impression de la plénitude : on peut manger des fruits toute notre vie, on ne sentira pas qu’on est dans la plénitude; on peut avoir des milliards d'euros , ce n’est jamais suffisant. C’est à partir d’un rapport direct avec une catégorie fondamentale qu’on a un goût de l’absolu ; c’est la philosophie aristotélicienne.

 

Le démon dit à Eve: «Vous serez comme des dieux». « Ah bon » ? Elle contemple l’arbre et voit qu’il est « bon à manger, agréable à la vue, et précieux pour ouvrir l'intelligence » (Gn. 3, 6).  Avant de manger elle vit des catégories fondamentales dans l’arbre : la bonté (convoitise), la beauté, la vérité (précieux pour ouvrir l’intelligence). L’amour n’est pas nommé, la convoitise prend sa place.

 

Le Malin ne va pas tenter le moine avec des choses mauvaises comme une tentation sexuelle.  Ce n’est pas la tentation du moine, c’est la tentation de n’importe quel pauvre homme. La tentation du moine pénètre petit à petit, ça peut durer durant toute une vie religieuse. C’est comme si le Malin ajoutait par petites doses de l’eau de javel ou de l’acide nitrique. Il met une goutte et il laisse faire, il en remet une autre et il laisse faire. A la longue on a un homme ou une femme consacrée dont tout le tissu spirituel est criblé. Criblé parce qu’il est pris par les catégories fondamentales, il court derrière le beau qu’il croit beau, le vrai qu’il croit vrai, le bien qu’il croit bien ; mais il est seul entre lui et sa propre expérience, ce n’est pas la connaissance de Dieu.

 

Il s’agit de « Te connaître toi, le vrai Dieu et ton  envoyé, Jésus Christ ». Ça suppose sortir de soi, sortir vers l’autre, d’être dépolarisé : on n’est plus son propre pôle, on n’est plus sa propre référence. Ce n’est pas moi et moi comme dans le bouddhisme, le nirvana. Ici il y a une altérité : « Te connaître toi, le vrai Dieu et ton envoyé, Jésus Christ ». Avoir les reins ceints de la vérité ne veut pas dire aimer ce qui me semble vrai, ce que je considère comme la vérité.  Si je suis disciple, je dois sortir de moi pour aller vers Lui; Il est ma référence.

 

Revêtez la cuirasse de la justice


« Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture; revêtez la cuirasse de la justice » (Eph 6:14). La cuirasse est une armure qu’on endosse pour se protéger.  On ne la porte pas pour aller pêcher du poisson ou pour sortir au restaurant. On la porte quand il y a des armes tranchantes qui peuvent nous atteindre. C’est différent de la ceinture – la ceinture n’est pas une arme, c’est une position. Comment la justice va-t-elle nous servir de cuirasse ? Le Malin, est « l’accusateur de nos frères » (Rv. 12, 10). Le bon Dieu est rempli de miséricorde ;  le Malin est le perfide accusateur : il réclame à chaque moment sa victoire en faisant valoir nos péchés. Il voit nos défauts à chaque minute. Ensuite il nous accuse devant la bon Dieu comme il l’a fait pour Job : Pourquoi tu lui laisses encore du temps pour se repentir, pourquoi tu le couvre de bénédictions ; il a fait ci et ça et encore cela (cf. Job 1) ?  Le manque de justice en nous est comme un manque de cuirasse ; les flèches de l’ennemi peuvent nous atteindre.

 

Qu’est-ce la justice ? Dois-je être impeccable, parfaite et ne commettre aucun péché, aucune impiété ? Est-ce possible ? Bien sûr que non ! Depuis Adam et Eve jusqu’à nos jours les hommes pèchent et le juste pèche sept fois le jour (cf. Pr. 24,16). La justice dont parle St Paul est celle qui nous a été acquise par Jésus Christ. Quand le prêtre donne la communion dans les rites byzantins et maronites, il lève la parcelle de l’Agneau en disant : « Les Saints aux saints », sur quoi le peuple répond « Un seul est saint, un seul Seigneur : Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père. Amen ». Dans le rite maronite on répond : « Le Père un très-saint, le Fils un très-saint, l’Esprit Saint un très-saint ; Trinité Sainte. Que soit béni le nom du Seigneur parce qu’il est un au ciel et sur la terre. A lui la gloire ». Dans l’Eglise Catholique nous oublions que le salut ne vient pas de nos œuvres.

 

Ste Thérèse de l’Enfant Jésus a dit une chose extraordinaire : « Lorsque je comparaitrai devant le bon Dieu, j’aurai les mains vides ». Lorsqu’une novice lui disait : « Combien avons-nous à acquérir de choses » ! elle répondit : « Vous êtes dans l’erreur. Nous ne devons pas acquérir, nous devons nous déposséder ». Nous n’avons pas à monter, nous avons à descendre. La cuirasse sont les mérites de Jésus Christ. Le Sang de notre Sauveur est notre cuirasse de justice. « Nous sommes tous comme des impurs, Et toute notre justice est comme un vêtement souillé » (Is. 64, 6).

  

En endossant cette cuirasse, dès qu’on se lève au petit matin, on n’a pas d’inquiétude quant à notre sanctification. Combien de fois sommes-nous inquiets: « Je n’y arriverai pas, c’est trop long, trop difficile ! » Voilà quelqu’un qui fait du self-made, qui est en train de se construire lui-même. On n’a pas besoin de se faire nous-mêmes. La première victoire du Malin est lorsque nos pensées deviennent notre référence, lorsque notre vérité devient un absolu. La deuxième victoire du Malin –  voici des clés de discernement – est lorsqu’avec une bonne intention on cherche à sauvegarder notre propre justice, à faire briller nos œuvres et que lorsque ça ne brille pas, on est par terre, désespéré, on s’énerve contre soi et on se sent abattu. Dès l’aube, endossons la cuirasse de justice, rappelons-nous que Jésus Christ est mort pour nous et qu’il nous a revêtu de la justice de Dieu. C’est le renouvellement des vœux du baptême : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ (Ga. 3, 27).

 

Quand on croit que nos pratiques religieuses – qui sont très nécessaires – nous donnerons du brillant, c’est comme si on n’avait pas de cuirasse de justice. Là on devient comme le pharisien qui dit au Seigneur: « Regarde-moi, je suis toujours ponctuelle , je ne hausse pas la voix, je ne m’impatiente pas, je suis toujours souriante, la Supérieure est contente de moi ... ». Ce pharisien s’en va non-justifié. Le publicain (qui dans l’Evangile est voleur, menteur, quelqu’un de mœurs tout à fait douteuses) s’est mis par terre et dit : « Aie pitié de moi, Seigneur, pauvre pécheur » (cf. (Lc. 18, 10-13). Le dernier « descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé » (Lc. 18,14). Comment a-t-il  été justifié, il n’a rien fait ? Il a cru en Dieu qui le justifiera.

 

L’ancien homme en nous qui n’est pas évangélisé cherche toujours à faire un édifice personnel de sainteté. J’ai passé 20 ans à cogner ma tête  contre le mur essayant d’acquérir ma propre justice : ne pas dormir la nuit, rester debout, mettre des cilices, me flageller, jeûner... Le Seigneur a tout défait.  J’ai compris qu’Il n’a pas besoin de tout cela. Moi j’ai besoin de Lui. La deuxième victoire du malin est quand on se met à rechercher sa propre justice.

 

Les pieds chaussés de zèle pour annoncer l’Evangile de la paix.

 

« Mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Évangile de paix » (Ep. 6,15). On va dire : « ce verset est pour les missionnaires ». Non, pas seulement. Nos pieds doivent être chaussés de zèle pour écouter l’Evangile de la paix et une fois qu’on l’a écouté, l’annoncer dans notre vie. Chaque moment de notre vie peut s’inscrire dans la grande aventure eschatologique. Lorsque la petite Thérèse se courbait pour ramasser une petite épingle du sol elle le faisait pour une âme en Afrique ; elle est devenue la patronne des missionnaires. Qu’est-ce qui nous manque pour faire la même chose ? Qu’est-ce qui nous manque pour que notre vie ait un sens sincère dans la grande œuvre de l’évangélisation? L’Esprit Saint est venu pour donner des langues de feu aux Apôtres. Ceux qui les écoutaient entendaient la proclamation de l’Evangile dans leur propre langue (cf. Ac. 2, 11). Nous sommes envoyés les uns pour les autres. Le plus grand mal que le démon peut faire rentrer dans les communautés sont les malentendus. Le malentendu se crée lorsqu’on ne parle plus la même langue.

 

Le langage de l’Evangile est la langue de feu de l’Esprit Saint que toute personne peut comprendre. J’ai vu des communautés vraiment bouleversées à cause des malentendus – des fois très petits – entre les membres. Tel membre comprend ça d’une manière, moi, je le comprends d’une autre. « Je trouve que ça devrait être comme ça », un autre dit le contraire. Des fois ça dure des années. Dans la vie de tous les jours, le moine et la moniale cherchent à parler une langue : la langue de feu de l’Evangile, c’est le zèle d’annoncer l’Evangilede la paix. Il n’y a pas de paix si on ne parle pas la langue de l’Evangile.

 

La troisième victoire du Malin est de semer la zizanie comme à  Babel (cf. Gn. 11) ou chacun parle son langage (c.à.d. d’après son point de vue) ; le contenu n’est pas l’Evangile. Des intérêts secondaires : « tient-on compte de ma position, est-ce qu’on me respecte, est-ce qu’on fait attention à moi, est-ce qu’on m’a donné ce qu’on aurait donné à l’autre? Et là les considérations se multiplient à toutes les sauces :  voilà l’amour propre. L’Evangile de la paix est contraire à l’amour propre. Si on veut proclamer l’Evangile de la paix, on ne peut pas se proclamer soi-même. C’est ou moi, ou l’Evangile.

 

Le bouclier de la foi

 

« Prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin » (Ep. 6,16). La cuirasse est une protection passive, on la porte et c’est fini. Le bouclier est actif. On le dirige par rapport à la direction des  flèches. Ça veut dire qu’il y a un discernement ; c’est une réponse à une attaque. Avec ce bouclier de la foi  vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin. St Paul parle de tous les traits et non pas de quelques-uns parce qu’il suffit d’un seul trait pour nous vaincre. C’est tout, ou rien. Quand on poursuit des solutions humaines, des philosophies humaines, des compréhensions humaines, des programmes humains, des projets humains, des dénouements humains, … on dépose le bouclier de la foi ; on le met de côté. Là les traits enflammés du Malin s’en donnent à cœur joie. Le bouclier de la foi discerne les traits enflammés du Malin. Si on ne voit pas le trait venir on dirigera le bouclier vers la droite alors que le trait vient de la gauche.

 

Toute pensée qui traverse l’âme, qu’elle la trouble, la repose, ou l’enchante, doit être repérée et passer par le crible de la foi. Les Pères disent : « Toutes les pensées, quelles qu’elles soient – à la quarantaine ». Il y a un apophtegme très intéressant de St Jean de la Croix qui dit : si une âme reste 40 jours sans permettre à ses pensées de dominer sur elle ; si elle reste à la porte de son cœur dans la vigilance, elle verra au bout des 40 jours la lumière du Christ resplendir dans son cœur. Je l’ai expérimentée. Comme le chat observe les souris, ainsi le moine doit observer les pensées à la porte de son cœur. »

 

Comment va-t-on utiliser le bouclier si on ne voit pas les traits enflammés du démon ? Ici, il y a le discernement (διάκρισις). Porter le bouclier de la foi, c’est laisser l’Esprit de Dieu résoudre nos problèmes, de dire : « Qu’aurait fait Jésus à ma place » ? Aujourd’hui quelqu’un m’a dit : « Mon confesseur m’a dit que si je suis fatiguée corporellement je mets obstacle à l’Esprit de Dieu ». C’est l’accompagnement spirituel d’aujourd’hui !? Je lui ai dit que peut-être elle avait mal compris. Le Seigneur, était-il reposé sur la croix ? St Pierre dit que l’Esprit de gloire reposait sur lui (cf. 1 P. 4, 14) ! Le chrétien, et combien plus le moine, doit être rassasié de la Sainte Ecriture pour qu’à chaque trait enflammé du Malin il puisse répondre avec des Paroles de Dieu. C’est la tactique que le Seigneur a employé durant sa tentation au désert (cf. Lc. 4, 1-13). Là, le Malin lui présentait des versets [tiré du contexte] de la Sainte Ecriture  et Le Seigneur lui répond avec d’autres versets.

 

La Sainte Ecriture dit que la foi entre par les oreilles (cf. Rm. 10, 17). Comment va-t-on permettre à la foi de pénétrer nos oreilles si on n’écoute pas ;  si on écoute toutes sortes d’imbécilités et de sophistications, de philosophies vaines ? Il faut ruminer la Sainte Ecriture de sorte à ce qu’elle fasse partie de notre sang et qu’elle devienne une partie de nos chromosomes, de notre ADN. Dans l’Eglise catholique on a mis la Sainte Ecriture de côté. Je ne dis pas d’entrer dans une mauvaise compréhension de la Sainte Ecriture, je ne dis pas de devenir la référence pour l’expliquer. Je dis de rentrer dans la Sainte Ecriture avec le navire de la Tradition. Et à partir de ce navire suivre le Christ qui marche sur les eaux.

 

On pourrait discuter longuement sur le discernement des esprits en commentant le bouclier de la foi. Avant de passer au point suivant il faut encore savoir que le Malin se présente toujours comme ange de lumière (cf. 2 Co. 11, 14). Il prêche le meilleur , mais c’est un meilleur basé sur l’orgueil, sur l’égoïsme spirituel et sur la fausse humilité. Cela tue la confiance de l’âme en Dieu. Là, l’âme ne s’abandonne plus à Dieu, elle essaie de conduire sa propre barque.

 

Le casque du salut

 

« Prenez aussi le casque du salut » (Ep. 6,17). La cuirasse procure une défense passive. Le bouclier est actif. Le casque est à la fois passif et actif parce que le casque a une visière. Quand il le faut, on la met, et quand il ne faut pas on l’enlève. L’espérance nous fait regarder vers le haut. Quand on porte un casque, le cou est pris, il est difficile de baisser sa tête, de regarder vers le sol. Il faut toujours garder la tête haute. Dans la messe byzantine nous disons: « Elevons nos cœurs, ils sont auprès du Seigneur ».

 

Le casque nous aide à diriger notre regard vers le haut ; c’est la position de quelqu’un qui sait que seul, il ne peut rien faire. Quand on porte le casque du salut on reçoit la victoire sans rien faire. C’est un salut qui nous est donné gratuitement; c’est l’espérance. Lorsque nous affrontons le démon il faut invoquer le nom du Seigneur Jésus. En L’invoquant  il nous garde. Lorsqu’on combat le démon il ne faut pas le regarder, il faut regarder le Seigneur.  St Michel, en  combattant le démon, lui dit au sujet du corps de Moise : « Que le Seigneur te réprime » (Jude 1, 9). Il n’a pas dit : « Espèce de …» comme on fait dans certains exorcismes. Il dit : « Que Dieu te réprime ». Dans le Notre Père on dit : « délivre-nous du mal » ; le Nom de notre Seigneur Jésus Christ délié tout lien avec les esprits du mal.

 

« Dans ma détresse, j'ai invoqué le Seigneur, J'ai crié à mon Dieu. De son palais, il a entendu ma voix, et mon cri est parvenu devant lui à ses oreilles » (Ps. 34,6). Il a crié vers le Seigneur. Il n’a pas cherché une solution à sa propre mesure. Quand on cherche une solution à sa propre mesure on met le Seigneur dehors. Il faut savoir attendre le salut de Dieu : « Pour moi, je regarderai vers le Seigneur, Je mettrai mon espérance dans le Dieu de mon salut; Mon Dieu m'exaucera » (Mi 7,7). Ai-je un problème, mes pensées me prennent-ils. Suis-je dans le trouble, suis-je dans le noir, sans lumière de la part des hommes, ni de Dieu, sans aucun signe ? Ne fabriquons pas de solution à notre propre mesure. Tenons bon en portant le casque du salut. Le casque du salut me fait regarder uniquement le Seigneur. Les Apôtres à l’Ascension  regardaient le ciel. Les anges leur ont dit : « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder le ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel » (Ac 1, 11). Pendant longtemps j’ai cru que les anges voulaient leur dire : « Ne regardez plus en haut ». Comme si ils leurs disaient :  « Allez à vos devoirs, Il va revenir, vous n’avez pas besoin de regarder en haut ».

 

Ce n’est pas pour qu’ils ne regardent plus vers le ciel ; c’est pour qu’ils regardent et attendent la deuxième venue. En portant le casque du salut  on s’insère dans l’attente de la seconde venue du Seigneur. Au plus que nous nous engageons dans le combat spirituel au plus que nous verrons le salut du Seigneur. Qui me délivre de la tentation ? Qui me délivre de mon trouble lorsqu’il vient et me submerge, quand je ne vois plus rien, ni clair ni foncé, ni droite ni gauche, quand je ne me vois plus moi-même, quand je ne sais plus où est mon salut, quand je ne sais plus où est la solution, … ? Là, subitement le Seigneur me rend sa paix.

 

le glaive de l’Esprit

 

Prenez aussi le glaive de l'Esprit, qui est la parole de Dieu  (cf. Ep. 6, 17). Le glaive représente l’action, l’offensive. Le glaive est la Parole de Dieu. Le glaive et le bouclier forment un pair. On tient le bouclier d’un côté et le glaive de l’autre ; avec ce glaive on rentre corps et âme dans le combat. De personne victime d’une agression on devient soldat rangé en bataille, prêt pour l’assaut. Le Seigneur dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, les portes l’Enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18). C’est l’Eglise qui va prendre d’assaut l’enfer et briser ses portes. Lorsque le Seigneur se révélera dans sa seconde venue, l’Eglise aura l’éternité pour chanter sa victoire définitive contre les puissances de l’enfer.  "A Dieu la gloire dans l'Église et en Jésus Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles; Amen" (Ep 3, 21)!

 


[1] « Moi, le Seigneur, j'éprouve le cœur, je sonde les reins, Pour rendre à chacun selon ses voies, Selon le fruit de ses œuvres » (Jr 17,10).