La situation précaire dans notre région

Le 4 Août, ISIS est venu et a pris possession de Al Qaryatayn,  village habité par des chrétiens et des musulmans et accueillant de nombreux réfugiés venant d'autres endroits, et a également pris une plus petite ville à l'ouest de ce village, Hawwaren. C’est un village près du nord de la chaîne est des montagnes du Qalamun (la montagne appelée 'de l'Est'), et la chaîne ouest est celle des montagnes de l’Anti-Liban qui marquent la frontière avec le Liban, un endroit qui est le théâtre de combats depuis le début de la guerre.

Prise d'Al Qaryatayn par Daesh et fuite des réfugiés à Sadad


Le village qui est plus proche (NW) est l'ancien et célèbre village chrétien de Sadad, exclusivement habité par des chrétiens de rite syriaque orthodoxe, vieilles familles descendants des premiers chrétiens, dont certains habitants parlent encore syriaque. La Bible parle de ce village dans Ez 47.15: "Et c'est ici la frontière du pays: Du côté du nord, depuis la grande mer, le chemin de Hethlon, quand on va à Tsedad". Il s'agit de la région au sud, sud-est de la ville de Homs.

Ce village de Qaryatayn était sous la direction de l'opposition locale, qui tenait des négociations avec l'armée gouvernementale proche du village, mais en dehors et avaient conclu un accord de réconciliation. 


Cependant, certains ne l’ont pas accepté et quand ISIS est arrivé, ils étaient prêts à les accueillir. L’armée non avertie, écoutant qu’on ouvre le feu, s’est retirée  pour éviter des pertes sur leurs soldats, car ils n’avaient pas le contrôle de la situation

                                                           Les réfugiés arrivent au village de Sadad
Les réfugiés arrivent au village de Sadad
Aide à Hawwarén aux réfugiés qui ont fuie Daesh
Aide à Hawwarén aux réfugiés qui ont fuie Daesh

Dans la matinée du 4 Août, ISIS est donc entré dans ce village. Il y eu ceux qui n’ont pas pu fuir, car il était trop tard ou ne voulaient pas abandonner les malades et les personnes âgées qui ne pouvaient pas fuir. On compte 270 personnes d'environ 100 familles chrétiennes du village et réfugiées de rite syriaque, expulsées de la région de Hassaka, dans le nord, qui sont restées dans les mains d'ISIS. Presque tous les habitants ont fui comme ils le pouvaient, à moto, en tracteur, semi-remorque, à pied ... pratiquement uniquement avec les vêtements qu'ils portaient, vers les villages voisins , mais plutôt à Sadad. Avec la hâte et la panique de l'évasion, il y avait ceux qui avaient perdu la trace de leurs proches: parents, enfants ... sans savoir où ils étaient, ni s'ils étaient morts ou vivants ou s’ils avaient pu échapper. Il y a environ 2000 familles, on ne sait pas au juste. Certains d'entre eux ont fui vers des endroits qui étaient déjà sous le pouvoir de ISIS et vivent très mal et il est difficile de leur apporter l'aide ... Mais finalement nous avons pu leur faire arriver quelques aides à travers des gens de confiance.

La plupart des réfugiés sont restés environ 2 jours dans Sadad où ils ont été reçus de façon exemplaire: le village les a accueilli comme il le pouvait, les gens ont partagé ce qu'ils avaient et mis à leur disposition la grande salle de l'Eglise orthodoxe syriaque, où on a mis des chaises et tables et le groupe de jeunes de l'église les ont servis comme dans un restaurant, ce qui, normalement, ne se fait pas dans des cas similaires, car normalement on distribue de la nourriture, sans beaucoup plus de soin. Il y avait aussi quelques-uns qui ont pris soin de distraire les enfants dans cette grande situation de stress, avec les enseignements du catéchisme et diapositives projetées sur le mur, avec des jeux et des activités.

 

Deux membres de l'équipe d’aide humanitaire du monastère ont été immédiatement envoyés sur le site pour rapidement se rendre compte de la situation, comment les gens étaient dispersés à travers la région, vers quels endroits ils avaient fui, réaliser leurs besoins et apporter de l'aide aussitôt que possible à ces milliers de réfugiés et ils ont pu prendre ces photos. Rapidement on a pu apporter l'aide dont ils avaient besoin - couvertures, matériel de cuisine, de la nourriture, des vêtements à porter, des couches pour bébés et adultes ...- et ceci grâce aux containers d’aide qui nous arrivent des bienfaiteurs de partout dans le monde qui entendent notre appel et veulent aider. Toute aide est la bienvenue.Puis, presque tous ont quitté Sadad,  parce qu'ils avaient des parents dans d'autres villages de la région et près de Homs et ils y ont trouvé refuge.

Dans les premiers jours, on a seulement su que ces familles chrétiennes étaient restées sous le pouvoir de l'ISIS, elles auraient pu avoir été gardées comme bouclier humain pour empêcher une offensive de l'armée. Après quelques jours, il est apparu qu'une partie de ISIS était retourné à la ville de Raqqa, mais on ne savait rien des prisonniers chrétiens, s'ils étaient morts ou vivants. Plus tard, on a appris que certains d'entre eux avaient été portés à Raqqa pour être vendus comme esclaves. Et il est bien connu, par ce que nous avons vu se passer ailleurs, que cela signifie pour les hommes des travaux lourds comme par exemple. creuser des tunnels où les terroristes se protègent et pour les femmes,  l'esclavage sexuel.

Au mois de mai avait été enlevé le Père Jacques Morad qui était en charge d'un monastère syriaque à Qaryatayn, et depuis on n’a rien su de lui. C’était un monastère très ancien récemment restauré, mais maintenant complètement détruit:  pendant 3 jours ISIS a été occupé à le détruire jusqu’au sol. La même chose est arrivée à tant d'autres vestiges de l'ancien et le riche patrimoine de l'humanité dans ce pays. Les dernières nouvelles que nous avons eues est que ce prêtre sert d'intermédiaire dans les négociations avec ISIS au nom des chrétiens qui sont encore dans Qaryatayn afin qu'ils puissent payer un rançon, au lieu d'être exterminés.

La situation chez nous

 

Notre monastère est situé 3 km du village de Qara, à l'ouest et il est depuis plus d'un an et demi une ligne de front de la guerre contre ISIS qui occupe la zone de montagne frontalière  avec le Liban. Nous sommes la dernière présence civile permise et après nous, la circulation des civils est totalement interdite, ce qui signifie également que beaucoup ne peuvent pas cultiver leurs terres d’où ils obtenaient de quoi vivre et sont alors dépendants de l'aide humanitaire.

L'arrivée d'ISIS environ 30 km vers l'est, (car il a également réussi au moins à entourer le village qui suit, Mhenn) est quelque chose qui nous a fait monter l'angoisse à la gorge pendant  quelques jours, non seulement en raison du danger, mais de voir ces familles chrétiennes et celles de rite syriaque (rite qui a souffert beaucoup de persécutions, qui est une perle pour le christianisme étant le plus ancien et qui a hérité de la spiritualité judéo-chrétienne), déjà réfugiés une fois, être réduites à un tel sort. Cette situation provoque une grande appréhension parmi la population de ce plateau entre les deux chaînes de montagnes, où la présence de l'armée est grande, mais ainsi est en train de perdre du terrain: "Que va-t-il nous arriver ?" Il y a eu aussi une attaque contre la prison principale près du village de Adra et ils ont réussi à libérer les prisonniers qui vont certainement se joindre à eux, plus de confrontations dans la région de Damas, une tempête de poussière qui leur a donné des occasions pour gagner du terrain et d'un aéroport dans le nord. On nous a donné il y a peu la nouvelle qu’ils ont égorgé les soldats qui y étaient faits prisonniers, mais je n’ai pas pu confirmer ... Quelques nouvelles qui nous arrivent maintenant viennent nous conforter, comme l'aide militaire qui est annoncée en notre faveur de la part de la Russie et de l'Iran, des pays qui ont manifesté leur soutien et ayant des résultats concrets, puisque l'aide aérienne de la part de l'Amérique et d'autres n'a pas l'air d'atteindre les objectifs fixés ... malgré ces promesses, ce que les gens attendent de voir est le changement efficace sur le terrain, car alors seulement ils peuvent avoir un peu de repos, de confiance et d'espoir.

Cependant, on continue à vivre, la vie se déroule normalement avec les réunions et la chaleur habituelle de la vie sociale qui caractérisent la culture orientale, les magasins sont ouverts, même si la vie est beaucoup plus chère qu'avant, et il ya aussi ceux qui profitent de situation; ceux qui ont la chance d'avoir encore un emploi vont au travail, les enfants ont commencé l'année scolaire, notre équipe de secours continue à travailler pour aider les personnes les plus dans le besoin, car il y a des cas très difficiles, et à faire avancer ses projets en faveur de la population, la création d'emplois et la reconstruction du pays.

Aussi nous avons célébré avec les chrétiens du village de Qara, la messe de la fête de Saint Michel Archange, le patron de la paroisse, qui dans le rite byzantin est célébrée le 6 Septembre. Le curé nous avait invités à nous pour chanter la messe et monseigneur l'évêque était là pour la célébrer.


Et le 14, ce fut le tour de quelques jeunes et paroissiens de venir au monastère pour célébrer la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, avec le feu habituel, cette fois modeste et plus caché, car il rappelle la façon dont les anciens chrétiens de cette terre avaient vu sainte Hélène annoncer à son fils l'empereur Constantin que la croix du Christ avait été trouvé (moyen de communication ancien où l'on allumait un feu d'une montagne à l'autre).

Les gens continuent à vivre du mieux qu'ils peuvent et tout le monde sait que nous sommes tous dans les mains de Dieu et que il peut venir le jour où on doit fuir à la hâte comme cela est arrivé une fois ... et de laisser derrière le travail de toute une vie, la maison, la famille, les amis, la terre, et peut-être même le pays ... Nous au monastère nous savons très bien que la seule chose qui vaut la peine et ce qui est notre véritable protection est la foi et la prière et nous avons confiance que le Seigneur nous guidera en fonction de sa sainte volonté, comme cela est déjà arrivé plusieurs fois. Entretemps, nous nous tenons alertes dans notre vie de contemplatifs et nous cherchons à faire ce que nous pouvons pour la population et pour alerter les consciences à discerner les signes des temps, non seulement ici mais dans le monde entier. Il s’agit de questions cruciales, dont l'une est la permanence de la présence chrétienne dans la région choisie par Dieu pour nous annoncer le salut, et en vérité dans tout le monde, et de celle des plus anciens rites chrétiens: patrimoine théologique, humain et culturel inestimable.